Au musicien du rail

A écouter ici:

Et à lire juste là:

Je l’ai aperçu sur le quai, avec sa guitare dans le dos et son sourire ancestral accroché à sa barbe. C’est un musicien, un vagabond de l’ancien genre, de ceux qui se faufilent entre les wagons et dans le dédale des tunnels pour se faire quelques sous et raconter leurs histoires d’ailleurs.
 Le train s’est arrêté, et alors ses portes se sont ouvertes comme le rideau d’un théâtre. En quelques secondes les personnages sont entrés en scène, se poussant du coude pour jouer leur drame quotidien; interprétant tous le rôle de leur absence. Lui seul, le guitariste, est arrivé comme un voyageur et avec la prestance d’un pays entier, il salua l’assemblée d’un regard.

Le train ricanât puis se remit à se traîner vers Paris, à jouer lui aussi son rôle assigné. Alors le vagabond commença à gratter ses cordes et à chanter, d’une voix légère sans inquiétude. La musique était belle et sincère. Les notes se mêlaient à une langue inconnue, prête à nous transporter bien plus loin que ne pouvait le faire la locomotive et son cortège. Il rendit au voyage sa définition. Nous finirions à la même destination — car tous les trains d’ici vont à la capitale — mais en ayant pris quelques détours par des chemins lointains et imprévus. Enfin, entendra qui pourra. Nous sommes à l’heure bleu des camisoles numériques et les visages se lèvent peu.

Il faut donc comprendre le tour de force qui eut lieu, l’ambition du bonhomme: il venait détourner un moment d’usage pour en faire une fête. 
Il fit de son instrument un aiguillage pour dérouter le convoi, rivalisant avec les grincements du train pour que revienne le festival, c’est à dire la spontanéité, la joie, la rencontre.

Il poussait la musique dans le ventre de la machine-métropole comme Pinocchio se démenait pour sortir de la baleine. Il jouait pour s’extraire du monstre, avec un héroïsme dont il ne se doutait sûrement pas. En entrant ainsi dans le wagon, il s’est glissé dans l’interstice d’un espace qui ne lui était pas destiné, qui n’était pas prévu à cet effet. Il s’est infiltré sous la peau épaisse de l’artifice pour lui arracher la fraicheur d’un moment à vivre; et quelques pièces peut-être. Il a repeint les contours d’un instant standardisé pour en faire une fête le temps de quelques chansons. A la fin, quelques personnes applaudirent, puis il parti en disant merci. Simplement. Presque juste avec les yeux. 
Le train ricanât comme à son entrée puis redevint un peu plus sombre. Il poursuivi sa course vers Paris, invariable sur ses rails.

Ce qui est sûr, c’est que si lui demeura le même du moment où il entra dans le train jusqu’à en sortir, une différence, quelque-part, fût faite. 
Entre trois stations, il devint ainsi le meilleur compagnon de voyage possible et nous fit vivre un véritable soulèvement. En faisant juste cela, il élargi l’étroitesse de la ville et de l’instant. Il rendit autre chose possible et nous invita à le rejoindre. Il montra que l’art doit aussi être sauvage, comme un fruit à cueillir sur l’arbre. Offert à celles et ceux qui empruntent les chemins…

Mais ceci est une pratique de presque une autre époque, quand il était possible de faire une manche le temps de récolter assez de pièces pour pouvoir sauter dans un train et partir, aller voir plus loin à quoi ressemble le pays. 
Nous vivons aujourd’hui la disparition de l’argent liquide. Fini la petite monnaie. La manche elle-même et l’art de la rue, avec tout ce qu’il a de richesse et d’indiscipline ont été mis au pas, réglementés ou interdits. A Paris, il faudrait désormais faire des auditions pour jouer dans les couloirs du métro, payer un forfait et se restreindre ensuite à jouer entre trois bandes de peinture, dans l’espace assigné. Des brigades et caméras surveilleront les écarts.

La métropole assassine toute spontanéité, donc toute forme de vie. Elle ne tolère plus que sa propre marche robotique qu’il faudrait imiter. Son humeur d’acier qui décape les présences. Pour y vivre, il faut donc soit se résigner au vide et à l’obéissance, soit se faire artiste et insurgé. Faire de chaque acte un soulèvement.

Merci à toi le musicien du rail, toi qui, en dehors de tout statu d’artiste en a les qualités profondes: cette épaisseur d’âme qui fait les personnes authentiques et indomptables. Merci à toi qui par ta liberté nous montre nos entraves.

Que revienne et jaillisse de partout la fête,
Jusqu’à crever la métropole !

Alors, si au bout du wagon ou du tunnel vous entendez de la musique,
Relevez la tête et rencontrez vous,
Dansez,
Filez la pièce;
Et si par malheur, vous n’en entendez plus…

Chatterton

Peinture: Jon Sloan
Photographie d’en-tête: Cor Jaring

Pour aller plus loin:
Manifeste des non-travailleur.ses de l’art => https://lundi.am/Manifeste-des-non-travailleur-es-s-de-l-art

« Nous voulons vivre une vie qui a du sens car la vie a du sens. C’est pourquoi, nous ne voulons plus travailler au désastre capitaliste mais à l’avènement d’une société sans classe. Dans cette société, il n’y aura plus de peintres, mais des non-travailleurs qui, entre autres choses, feront de la peinture. »

Les Voies Sauvages – Partie II: Le Temps des Meutes

a écouter ici:

ET Là:

ET à LIRE JUSTE Là:

 


L’horizon d’Anarchie et l’Insurrectionnalisme 
comme réponse aux désastre et sa norme.

 

I
Contres-vents et nouvelles marées
.

On a compris, en marchant dans les ruines étincelantes de l’état et du capital qu’il n’est plus question de les réformer, car — nous qui sommes du parti des Vivants — ne voulons pas reformuler la question de la domination dans d’autres termes mais la rayer, la barrer, la supprimer pour de bon. Parce que celles et ceux qui exploitent ont faim et soif et qu’iels ne sont pas près de s’arrêter; qu’aucune mesure ne viendra les enrayer, et que c’est nous qu’on veut croquer. On a compris qu’aucune marche pacifiste ne les empêchera d’avancer et qu’iels vont vite, car iels sont bien chaussé·e·s. Compris qu’il n’y aura pas d’écologie-sociale tant qu’il y aura libéralisme et capital; compris que le système patriarcal sera toujours en opposition aux féminismes et à un futur décolonial. Compris qu’aucun oasis d’autonomie, avec ses champs, ses arbres, ses cabanes et ses bonnes âmes ne changeraient rien s’il reste seul, et qu’il ne tiendra pas sous les coups des mécaniques, qui, de toutes façons, assèchent plus loin le sang du monde. On a compris qu’aucun appel à la raison ne nous donnerai raison, parce qu’il n’y a plus de raison ni d’entente, mais seulement des œillères, des intérêts et des matraques. Compris que le mépris est une valeur bourgeoise, que le déni de démocratie est devenu une norme.

On a compris que la « gauche » et les grandes ONG ne seront pas de la révolution mais une partie du système, donc aussi une partie du problème. Dans la bataille, elles ont leurs places à garder et bénéfices à gagner. Compris qu’il n’était plus temps de convaincre, et que si la bourgeoisie et la politique ne cessent pas d’abolir ce qui nous tient en vie — de la santé des écosystèmes jusqu’à la dignité humaine — il est alors temps d’abolir la bourgeoisie et la politique. Abolir la politique en temps qu’institution séparée de la vie ordinaire pour en faire, à nouveau, notre paysage quotidien, l’outil administré par nous mêmes et pour nous mêmes. Abolir la bourgeoisie en temps que classe exploitante et dirigeante, afin d’abolir la société de classe elle-même, car nous pensons l’égalité condition indispensable à la liberté, pour toutes et tous.

Disons nous le en clair: si les ultra-riches n’ont aucun intérêt à ce que s’arrêtent leur commerce de la mort, nous devrons les renverser, les ruiner, avant que tout ne devienne, finalement — ruine. S’ils nous poussent vers le ravin et n’ont aucun intérêt à changer la trajectoire, nous sommes en mesure d’actionner le frein d’urgence; ou de dynamiter les rails. C’est une affaire de bon sens; de logique; de morale. Nous n’avons pas d’autre alternative que celle du soulèvement. Il n’est plus temps de perdre notre temps sur les symptômes mais d’attaquer la maladie. Il ne s’agit donc plus de réformer l’état ou le capital — l’un ayant depuis longtemps prouvé sa soumission à l’autre — mais de les détruire pour de bon; tant qu’il est encore temps; tant que tout n’est pas détruit.

«Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.»

Déclaration des Droits de L’homme et du Citoyen
Article 35


A l’heure de la techno-police; où le ciel, en même temps qu’il se vide d’oiseaux s’emplit d’escouades de drones et que la cybernétique tisse les liens de nos camisoles, il semble nécessaire d’adapter nos méthodes. Les victoires qui viennent seront alors celles des esprits inventifs et des forces finement articulées.

Après plus d’un an dans les rues, à les repeindre en jaune et noir, des manifs sauvages aux occupations d’espaces, nous constatons que l’appareil répressif est une mécanique sans cesse ajustée, chaque fois plus performante. Pire, il semble que nous lui offrons, à chaque sortie, la chance de parfaire sa chorégraphie répressive. Chaque attroupement est l’occasion d’une sur-enchère autoritaire. Le gouvernement fera les chèques qu’il faudra pour l’équipement policier, tant qu’ils permettront de mater la plèbe toujours insurgée. Nous en sommes à ce point de rupture: le gouvernement ne tient plus que par sa police. Si les gilets jaunes ont permis de redéfinir un peu les standards de la manifestation, il est désormais temps de redéfinir les standards de la résistance — ou de revenir aux bonnes vieilles méthodes.
Pour l’heure, nous ne gagnerons pas les luttes symétriques, le face à face, corps à corps. Nous sommes désormais trop attendus et encore trop peu efficaces. Le pièges sont posés, les mâchoires d’aciers prêtes à se refermer sur nos pâtes quand nous franchirons la ligne. Finir en cage n’est pas une perspective. Alors il nous faut décaler le combat, désaxer les attaques. Trouver d’autres angles; d’autres fenêtres de tir et nourrir la rafale. Saisir l’initiative et prendre l’avantage. A force d’inventivité, rendons les luttes androgynes et polymorphes; donc inarrêtables !
Fini les émeutes régulières; l’heure est à la surprise. 
Si nous devons ainsi muter, la stratégie de l’Action Directe semble pertinente pour rebattre les cartes. Elle ne se pose plus en réaction — comme le font les manifs —, mais prends l’initiative, offrant ainsi un bel avantage par l’avance qu’elle permet. Elle invite à faire de l’ombre un manteau et de la surprise une alliée. Soyons imprévisibles autant qu’ingouvernables !

« La force qui affronte l’ennemi c’est la force normale; celle qui prends de flanc c’est la force extraordinaire. (…) Les ressources de ceux qui sont experts dans l’utilisation des forces extraordinaires sont aussi illimitées que les cieux et la terre; aussi inépuisables que les flots des grands fleuves. Elles s’achèvent puis se reforment, cycliques comme le sont les mouvements du ciel et de la lune. Elles expirent puis renaissent à la vie, se répètent comme les saisons qui passent.
Au combat, seules existent la force normale et la force extraordinaire, mais leurs combinaisons sont illimitées. »



Sun Tzu – L’Art de la Guerre


Que surgissent les forces extraordinaires ! 
Nous sommes si vivants ! A nous de dé-cadenasser nos puissances; de les libérer et de les associer aux forces normales et quotidiennes; pour qu’advienne finalement le soulèvement sur lequel nous conspirons. Celui qui emportera tout; qui propulsera nos exigences dans le marbre du réel.

« Savoir dresser une barricade ne signifie pas grand chose si en même temps on ne sait pas vivre derrière elle. » disait Marcello Tori. Alors oui, les forces ordinaires sont aussi celles qui font la vie possible. Ce sont ces indispensables qu’il faut multiplier: des fermes, des cuisines collectives, des centres sociaux auto-gérés, des Brigades de Solidarité Populaire, des squats et des maisons du peuple. C’est toute l’inventivité et l’entre-aide qui naissent de l’insoumission et de la nécessité. C’est tout ce dont nous avons besoin et à quoi nous répondons en le faisant nous-mêmes. C’est ce que nous faisons avant de l’avoir. Ce sont tout ces terrains quotidiens que nous libérons de l’emprise capitaliste pour les refaire communs. C’est tout ce dont nous nous abreuvons à la mamelle de la Révolution. 
Fédérons ces ordinaires à l’extraordinaire !

Ce n’est que par la densification et la coordination des tactiques que nous pourrons créer un bras de force assez puissant pour qu’aboutissent nos contres-pouvoirs; pour destituer les gouvernants tout en érigeant nos structures; pour exproprier la classe capitaliste et municipaliser les outils; pour renverser le pouvoir et mettre enfin un terme au drame; pour festoyer dans les flammes. Tout cela ne pourra se faire que par la constitution et l’organisation de groupes autonomes, clandestins et déterminés; et leur coordination avec des mouvements larges, populaires, prolétariens et chamailleurs.

On a fini par comprendre que le régime des lois et du pouvoir est forcément un régime bourgeois et que nous ne pourrons les vaincre et nous affranchir qu’en nous faisant hors-la-lois. 
On a compris que c’est eux les bandits; quoi qu’on en dise.

« C’est grâce aux actions, pacifiques ou violentes, des précurseurs du changement social que la conscience humaine, la conscience des masses, s’éveille au besoin du changement. »

Voltairine De Cleyre

 
II
L’Horizon d’Anarchie

C’est avec le désastre qui est entre nous qu’on co-construit chaque jour notre Anarchie. On fait avec ce qu’on nous a offert et ce qu’on nous a pris. C’est dans l’affrontement et l’effondrement que nous avons consolidé nos convictions et forgé nos pratiques.

Nous avançons une vision territoriale des luttes. De la métropole comme quintessence de l’économie-monde à nos territoires intimes et affectifs, tout se distingue entre zones occupées et zones libres. Dans l’algorithme productiviste, chaque parcelle est une proie, chaque bout de corps du monde est un espace à soumettre, à courber pour qu’il transpire le rendement. L’instant lui-même — n’ayant pourtant aucune autre frontière que l’instant suivant — est un espace à libérer des emprises, pour qu’ainsi il retrouve toute sa largeur, son originalité et sa fécondité première. 
Dépolluons nos espaces-temps. 
Nous appelons ainsi à déserter le désastre pour s’engouffrer dans ses brèches; à cultiver dans ses anfractuosités des poches sauvages de résistance. Nos meutes doivent s’élargir et gagner du terrain, pour le rendre commun à nouveau.

Face au totalitarisme numérique qui ligote de plus en plus nos pratiques dans la fibre optique — des milliers de caméras, à la surveillance généralisée des réseaux —; il semble, une fois de plus, que le sauvage est notre dernier recours. Si les métropoles sont l’aboutissement architectural de la société de contrôle, alors, encore une fois, les forêts, lacs et montagnes sont nos ultimes refuges et seules perspectives d’avenir. Sous les aiguilles de pin ou sur le fil des crêtes, sur une vieille barque en bois ou dans le creux d’un ruisseau: nous pourrons être enfin nous mêmes, donc parler et agir librement, qu’en étant parmi les éléments — ou bien, en soulevant la ville.



Nos émeutes sont la preuve d’un échec, de la faillite globale d’un système construit sur l’exploitation, l’inégalité et le mépris, justifiant alors chacune des pierres que nous lui lançons. 
Ces pavés de réel dans les vitrines du spectacle. Car, comme la ville, tout tend sourdement à la démesure, nous sommes le seuil de rupture pour le retour à l’équilibre. La métropole est la perfection du désastre, son organisation à flux tendus et capital variable. 
Nous sommes la jeune tige qui peu à peu fracture le bitume pour que repousse la forêt. Nous répondons à l’appel du Sauvage; en nombre de bêtes indomptables; d’humanimals, humains et humaines croisé.e.s à toutes les forces Vivantes qui jamais plus ne seront domestiqué.e.s. Nous sommes le Vivant qui se défend. Nous sommes la vieille Monade, l’unité première, l’élément minimal, le principe des êtres qui les fait respirer, se débattre pour exister et toujours renaître.

« La volupté de destruction est en même temps une volupté créatrice. »

Bakounine


Nous n’avons plus le temps d’attendre, on a plus le temps d’avant. Tout étant devenu tellement extrême, nous avons à radicaliser chaque aspect de la contestation; pour qu’elle se réalise. C’est maintenant que nous devons créer les conditions de notre utopie, nos zones d’autonomie, nos enclaves pirates et archipels insoumises.
Notre soulèvement — et ses territoires.

Alors nous allons faire de l’anarchisme un art de vivre, de l’illégalité une méthode et de l’insurrection une devise. Il n’est plus temps de se battre, mais de gagner. Nombre de désastres nous rappellent chaque jour que l’heure tourne et il nous faut des victoires; ne serais-ce que pour se donner du baume au coeur, du courage pour continuer et en gagner d’autres. Nous avons trop été mis au pied du mur; construisons nous des béliers et récupérons les pavés.

Les gouvernements sont ceux de la honte alors nous allons nous rendre Autonomes, jusqu’à être ingouvernables. Autonomes aussi, car face aux crises qui arrivent, le tissage de l’autonomie sur tous les territoires est plus que nécessaire, tant pour continuer à vivre que pour nous lier face aux mortifères; contre les raisons de la colère. Autonomes jusqu’à récupérer notre entièreté. 
Organisons nous; pour refuser l’humiliation, pour en finir avec la servitude et l’obéissance. Pour la dignité. Pour oser ne pas vivre à genoux. Pour le frisson, pour l’adrénaline d’une vie pleine qui ne s’obtient qu’en l’arrachant, car ici tout est fait pour l’aliénation, mais aucune de vos marchandises ne rend libre. Aucune de vos lois n’est la notre. Aucun de vos états ne nous va. Aucun de vos spectacles ne nous plait.

« À la question « Pourquoi suis-je anarchiste ? » je pourrais répondre par une simple phrase : 
Parce que je ne peux pas faire autrement et que je ne peux me mentir à moi-même. »

Voltairine De Cleyre 


Alors nous ne pourrons nous épanouir qu’en terre d’Anarchie. Là où les libertés se complètent, où les forces s’assemblent. Là où les gouvernements s’arrêtent et où la puissance commence. 
Nous ne mettrons plus aucun genou à terre mais avancerons dans les contres-vents, les coudes serrés aux camarades et le drapeau noir sur l’épaule. Ce vieux drapeau usé, il faut croire que nous ne le planterons jamais pour de bon. Nous sommes comme un peu condamnés à l’errance, car cette terre sans frontière que nous visons est un objectif sans fin. A mesure que nous grandissons nous cherchons ce lointain pays de notre enfance. Cette arcadie recule à mesure que nous avançons, car il n’y aura pas d’espace pour toujours libéré, pas d’arrivée définitive. Pas de province-idéale, mais toujours des insoumissions et des coups de sabre; au nom du mutin qui se libère et de la beauté du geste.
Qu’importe la distance nous ferons le voyage, libres de choisir nos chemins.

Nous sommes partis pour une conquête permanente qui ne mène à aucun autre pays que celui de tous les jours, cet instant où nous nous tenons debout et que nous voulons libre de toute oppression. Vaste et ouvert de possibles. Offert à toute son intensité poétique et spontanée. Nous ne nous promettons donc rien d’autre que le combat quotidien et la joie sans limite. N’y a t-il pas là de quoi s’amuser ? On trouvera bien de tout sur cette Terre, mais sûrement pas d’anarchiste laissé·e à l’ennui !

Il y a tout à faire: des espaces à reprendre, à libérer des mains-mises et privatisations; des insurrections à conspirer; des corps et esprits à sortir du salariat, pour que vienne le travail libre; des savoirs à transmettre; des Zones d’Autonomie Définitives à connecter aux Zones A Défendre, fédérons nous; des nouveaux mots à souffler aux oreilles des marmots; des horizons à rêver; des mutineries à renouveler pour que battent encore nos coeurs de matelots…

Elle — l’Anarchie — est un cap qui façonne nos yeux et fortifie nos esprits. Elle est un horizon qui nous fera toujours nous lever, pour la beauté du soleil et contre toute domination; pour la douceur de la nuit et tout ce qui s’en suit, l’amour, la liberté, l’égalité et la justice.

Nous croyons ainsi en l’Anarchisme en action, de l’autonomie des luttes comme but et moyen de les mener, de l’usage de la force, cailloux et barricades comme outils politiques efficaces, de la capacité du peuple à résister et s’auto-organsier, ainsi que de la nécessité de le faire. De l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes au méga-centre commercial d’Europacity en passant par la centrale nucléaire de Plogoff, l’exemple est là: ces projets sont enterrés et donc, certaines méthodes victorieuses.

Alors que des ZAD fleurissent partout, que le poésie nous envahisse et que l’Anarchie se multiplie !

Nous sommes les enfants des sorcières que vous n’avez pas pu tuer,
Nous sommes les enfants des pirates que vous n’avez pas pu capturer.
Nous sommes black bloc et utopistes,
Nous sommes révolutionnaires et zadistes,
Nous sommes la rue et le bar-tabac,
Nous sommes au bout du champ et sur les pavés froids.

Nous sommes toutes celles et ceux qui triment et tiennent le monde Vivant, devenus, par la force des choses et le rabot du système: partisanes et partisans !

 

III
Que chaque jour soit un printemps

On a des vies multicolores sous notre drapeau noir. Nos existences sont bien plus folles que ce que promettait l’enfance, l’école et l’emploi. Nous voulons tout. On a de grands sourires sous nos cagoules, de belles lumières sous nos capuches sombres. On est enfants de la catastrophe. Nous cohabitons avec l’effondrement. On est le produit de notre environnement. Tout chute autour de nous mais cela permet enfin, pour qui peut voir, de bien distinguer les formes, les limites et les ficelles. On est projetés dans la nouvelle guerre, qui est le prolongement de la vieille guerre sociale à l’orée des algorithmes et du Big-Data et le début de chute des éco-systèmes sous l’effet de leur viol intensif par les industries-états. C’est caviar contre kebab et pelleteuses contre cabanes. Cette nouvelle guerre est étrange et d’autres ne le comprennent parfois pas. Pas grave, nous on la fait. Et on essaye de l’expliquer, de raconter un peu notre histoire mais quand le désastre est trop grand il n’y a plus de mots. Des fois, on ne sait même plus quoi dire tellement c’est la merde. Nous pourrions alors, comme une irruption spontanée venir tout brûler sans rien demander. Saccager sans rien revendiquer, juste le dégout d’un monde que nous voulons détruire pour que demain en fleurisse un nouveau. Des cendres pour fertiliser. Quand il n’y a plus rien à dire mais tout à faire. Quand la vie qui a été tant soumise qu’elle doit aller au combat pour reprendre ses droits. Nous en passerons peut-être par là, puisqu’on est pour l’effet de surprise, pourquoi pas. On verra. En tous cas on vivra pas deux fois, alors on fait la guerre à celles et ceux qui nous condamnent, nous et tout le Vivant qui vit et qui suit. Qui sue et qui vibre. Y a pas une méthode, y en a mille, et si tu sais pas quoi faire, y a forcément quelque chose pour toi. On fait la guerre et c’est comme ça. On la fait et si tu veux pas la faire, c’est ton choix mais c’est un choix. Rien n’est neutre. Impartial ça existe plus. Impartial ça existe pas.

« Si tu ne participes pas à la lutte, tu participes à la défaite »

Bertolt Bretch


On a la braise au cœur et le cœur au vent, c’est-à-dire que le monde souffle et qu’on est l’incendie. C’est-à-dire que le monde souffre et qu’on veux le réparer, peu importe qu’on soit vingt, cent, mille. On s’éparpille et puis on crie « ZAD Partout ! » et « vive l’Amour !»

On affronte la police et on prends la rue. On prends des rhumes. On casse ce qui a à casser et on reconstruit ailleurs. On est le sabot dans la machine; le cailloux dans la chaussure. Dans saboter il y a « beauté ». On occupe des zones et on habite vraiment; c’est pas de l’entassement. On fraude. On choure et on récupère. On troque, on donne. A bas l’argent ! On fabrique et on bricole. On bidouille et on a notre culture de résistance. On cultive nos liens et les légumes. On sait plein de trucs et on en invente d’autres, des langages, des manières et des histoires. On forme des bandes ouvertes, on fait la fête, y aura toujours une place pour toi. On se fou des lois. A bas l’état ! On est partisanes et partisans. On est dans les villes et dans les champs. On crée nos systèmes, nos structures et nos anarchitectures. On est parallèles et pas pareils. On est sauvages plutôt que robots. On est radicaux, et on belles et on est beaux. On anonymise nos pas. On fait de grands gestes puis on efface nos traces. On les invite ou on rejoint les autres. On vis partout. On mourra quelque-part. A cause des flics ou du temps qui passe. Et tant pis pour la poisse. On vomi une partie du monde et on dévore l’autre. On a des camarades partout sur Terre, et p’tet ailleurs. On est peu mais si tu viens on sera plus.

On dit qu’on est bandits et hors-la-loi,
Mais on est sûrs qu’on est dans notre bon droit.
On est une meute et on s’émeute.
On est Vivants.
Et on se défends.

Vous l’avez compris, 
L’horizon d’Anarchie et les pratiques insurrectionnelles sont pour nous une réponse au désastre et sa norme. Passé l’indignation; il est temps de faire choix, acte et présence.

2019 fût, mondialement, l’année des émeutes,
2020 sera, peut-être, celle des nouvelles meutes…

Nous, louves et loups, courrons déjà dans l’ombre des bois. Nous frôlerons souvent la lisière et transperceront les villes quand il le faudra. Rejoignez nous. Contre le cloisonnement du monde et l’enfermement du Vivant, nos émois et meutes sont extensibles.

« Un jour, un jour viendra, où les hommes et les femmes se lèveront, où ils marcheront vers les plus hauts sommets et se rencontreront grands, forts et libres, prêts à recevoir, à partager, et à se baigner dans le soleil de l’amour. »

Emma Goldman

Chatterton


Quelques liens pour voir plus loin:

Appel à s’organiser et fédérer Zones A Défendre et Zones d’Autonomie Définitives:
=> https://laissebeton.org/confine-e-s-pour-renverser-le-capitalisme-prenons-le-temps-de-nous-organiser-et-de-nous-federer/849/?fbclid=IwAR0qTtuOSfSdfbCThxFdJoiyYHMnSsa-NCslNcHIHhqsFov1oVIbYk4LAzI

Outils et connaissance face à la surveillance de masse:
=> https://privacytools.dreads-unlock.fr/

Les Voies Sauvages – Partie 1: Le Chant des Louves

À écouter ici:

Ou là:

et À lire juste là:

On raconte qu’un jour d’automne, une femme trouva un chiot au fond d’une forêt et l’emporta chez elle. Elle le nourrit un jour et l’hébergea une nuit. 
On raconte qu’un soir d’automne, une louve chercha son louveteau au fond d’une forêt; et partout autour d’elle. Elle pleura un jour et hurla une nuit. 

La femme continua à nourrir tendrement l’animal, puis elle grillagea le tour du jardin — tout de même assez vaste; pour qu’il en fasse son territoire mais ne puisse pas s’échapper. Il appris « assis » et « couché », il reçu des récompenses et parfois des punitions. Il fût brave, obéissant, et dormi dehors dès ses jeunes mois. Alors il commença à hurler la nuit. Petit à petit, les hurlements gagnèrent la vallée entière. 

On raconte qu’un soir d’hiver, une louve s’aventura près de la maisonnette, creusa sous le grillage l’espace pour passer et vint à la niche du chien-loup. Alors les deux se firent face. Elle comprit qu’il parlait le langage humain, il comprit qu’elle parlait le langage des forêts, des ruisseaux et des crocs. Elle vit qu’il dormait au souple et avait le poil tendre et fin; elle qui l’avait dru et sale. Elle senti qu’il mangeait tendre et fin; elle qui chassait dur et tard. 
La bataille entre chien et loup dura longtemps. Tous les jours la femme revint et tous les soirs la louve revint. 
On raconte qu’un soir de printemps, alors que finalement toute la meute entra dans le jardin, le jeune du choisir entre s’enfuir comme un loup, ou rester comme un chien, et il…

« Il fera ce que tu voudras »

Dit le chien-loup en toi.

Dans ces temps où tout semble se grillager autour de nous et où le sauvage nous manque, nous avons décidé de faire parler notre loup… 
Et d’offrir aux vôtres De Quoi Mordre.

CHAPITRE I – RESSENTIS DE DERRIÈRE LE GRILLAGE


Les repères s’effacent. Le temps gomme le nom des jours, la numérotation des heures ne veut plus rien dire. Cela aurait sûrement du être le cas depuis longtemps; nous sommes désormais livrés à nos seuls rythmes biologiques et nécessaires. Il n’y a plus que l’instant véritable, long, dilué. Plus aucune segmentation, hormis les repas et le sommeil. Tout le reste est confondu. 
Nous avons comme l’immensité pour tout repenser. Tout redécouvrir.

A vrai dire on ne sait pas quand ni comment on en sortira. A quoi ressemblera le monde, le quartier d’à côté et les visages qu’on aime. Pour sûr, tout sera modifié. Stop aux pansements et anti-douleurs, traitons le mal à la racine. Le cataclysme qui arrive n’est plus à enfermer dans un placard des probables mais à regarder en face. Devant. 
N’en voulez pas aux lanceurs d’alertes, prenez soin du Vivant.

Comment ont-ils crus qu’on ne virerai pas loups ?
 En remplissant la gamelle. On a bien vu les chiens, depuis la lisière nous les avons observés. Ils mangent dans la gamelle; heure fixe. Pas plus qu’il faut, quand il faut. Assis pour assis. Couché pour couché. Une caresse-récompense; ou un coup de bâton-punition. On les a vus parfois perdus, délaissés sur les bords de route; incapables par trop d’aliénation. Tu te souviens des chiens ?
 On les a guettés du bord des bois puis avons préféré retourner à la forêt. Qui a cru qu’on ne préférai pas le sauvage au servage; le mouvement de nos meutes à la niche; l’os à la pourchasse ?

 

On se demande quelles peuvent-être les informations qu’ils ne nous disent pas, qu’on découvrira dans trente ans. On invente des fictions où les magasins seront bientôt vides; a moins que cela ne soit qu’une histoire de temps avant que cela ne devienne — réel.
Il s’agit toujours de cela, du laps de temps qu’il faut avant que les choses ne deviennent — réelles.
Nous écrivons l’histoire; nos convictions, pour qu’elles aussi deviennent — réelles.

On sent que les jours calmes couvent la tempête. On attend. On se prépare. Petit à petit le mercure monte. Se dire que les responsables seront jugés, se promettre de le faire. 
Nous n’oublierons pas. 
Il n’y aura pas de sortie de crise, car revenir à la norme, c’est revenir aux causes de la crise. Il n’y a que la perspective d’un soulèvement — total, et radical. D’un bouleversement complet de nos structures sociales et économiques; donc de nos modes de vie. Combien de choses d’aujourd’hui seront demain obsolètes ? Combien en inventerons nous de nouvelles, tellement plus fines et accordées ?
N’est-ce pas joyeux, cette perspective de tout redéfinir ?

On a pris la Lune pour complice et les astres en conseil; le large comme demeure pour retourner sur nos anciennes traces. Nous avons trop assisté à nos soumissions, trop intériorisé nos conditionnements — mais tout le Vivant nous à crié, d’une seule voix: réveil toi ! 
Nous sommes partis et avons marché sous des éclats d’étoile; le ciel est toujours en fête pour qui l’observe.

 

On appelle les proches. Pensées inquiètes vers nos anciens. Eux qu’on aime et qui nous disent, depuis toujours, que tout ira bien; que ça va bien se passer. Se dire qu’on ne peut rien faire. Attendre. Appeler. Prendre soin. Attendre encore. Rappeler. Garder la tête froide.

La liberté se vit à visage masqué. Nous devons passer sous les radars, et nous disons souvent que nous ne sommes pas encore assez prudents. Les réseaux veillent, trient et collectent; Big-data. Mais nous aurons toujours quelque-chose à dissimuler, un trésor dans le sac, un secret d’enfant; seulement la machine nous épie et ne dort pas. Si aujourd’hui il n’y a pas de risque, demain peut-être.
C’est ainsi, il nous faut atténuer nos traits pour continuer à le dire.

On voit les fleurs s’ouvrir. Tout s’annule sauf le printemps. Le chant des oiseaux couvre enfin celui des machines. On pourrait croire que tout s’est finalement arrêté; que la joie à maintenant une place ouverte pour refleurir. On — pourrait — croire.
Nous craignons l’effet rebond, la remise en route, la marche forcée alors que le moteur brûle; et que nous fonçons vers une mare d’essence. Ce ne sera pas possible.
Nous devons jeter les clefs. Bifurquer. Serrer le virage — du bon côté.

Dehors des ouvrier.e.s triment et meurent car plus personne ne sait faire, car nous ne savons plus nous tenir en vie. Incapables d’avoir tout délégué. Il faut comprendre que nous avons négligé bien trop de choses, trop d’aspects du Vivant. Nous avons domestiqué le sauvage, abimé la maison mais repeint ses murs et accroché quelques tableaux. Nous dépendons maintenant d’une créature gigantesque, d’une machine tuyautée immensément large qui nous biberonne et par-là nous tiens serviles, et serviables. Qui osera jeter le biberon ? En vérité, son lait est maintenant plein de pus. 
Et puis les courses coutent cher et l’argent ne rentre plus. Le spectacle de la marchandise est immonde. Demain nous nous procurerons des graines pour faire un jardin. Les grandes joies paysannes se trouvent même dans les petits jardins, n’en doutons pas ! Plantons, semons fleurs et légumes. Tout est question de joie et elle se cultive aussi. Simplement. Il nous faut revenir, pour accroitre.

Nous étions chiens, nous redevenons loups. On a creusé un trou dans le grillage du jardin et renié les maitres pour goûter l’autonomie. Nous délaissons chaines et colliers. Depuis, des poils épais ont poussé à travers la peau fine et tendre de l’insouciance. Ils ont recouvert l’âge perdu, formé une fourrure pour embrasser les temps froids. Les quenottes d’antan, d’enfant, se sont affûtées, devenues canines et crocs. Les pâtes élargies pour les chemins escarpés, rocailleux, méconnus. On re-dessine les cartes. On cartographie les signes du soulèvement — le changement de paradigme.

 

L’horizon s’encaserne. La police rôde et ressert le ciel. Ils se servent de drones, d’hélicoptères. Ils se croient tout permis. Se sentir hors-la-loi quand on sort dans le dehors, sans le papier. Ne pas comprendre la gestion policière d’une crise sanitaire; faire face à la brutalité absurde, ou trop logique. Se dire qu’un état chavire vite et que nous avons déjà l’eau aux genoux. Que les dérives d’hier deviennent vite la norme de demain. Que tout pourra être justifié au nom d’une situation d’exception, puis pérennisé. Nos révoltes ont encore été trop policés, quand le gouvernement devient de plus en plus policier. Ils usent de la stratégie du choc. Nous la retournerons.

Comprendre que la situation est décisive. Garder le meilleur: les voitures à l’arrêt, la fin du boulot, la solidarité, le temps libre, les joies simples et le grand air — supprimer tout ce qui empêchera cela. Nous voulons tout.
Se répéter le mantra: il n’y aura pas de retour à la norme. 
La norme est anormale. 

On se dit que tout ça c’est p’tet le début de quelque-chose de bien plus gros; juste la mèche, l’amorce. Le système a saturé. Qu’arrivera-il ensuite ?

 

CHAPITRE II / RUPTURE, TANGENTES ET PERSPECTIVES

L’ancien monde_

Après l’ivresse de ce dernière siècle, la fête semble retomber. Les corps chancellent et chutent, étouffent quelques derniers râles avant de s’endormir dans les détritus, les flaques d’alcool et le vomi. Ce n’est plus si sexy. Après l’aube, au lendemain, alors que la lumière et le réel reviennent, la frénésie d’hier ne semble plus avoir aucun charme. Ne reste que quelques souvenirs obscènes, un peu de ridicule et peut-être l’envie d’une sobriété nouvelle. Plus de médoc dans la pharmacie, mais nous apportons des verres d’eau et quelques photos de la vielle. Pour qui ne sont pas encore sobres, enfoncez vous donc deux doigts dans la glotte, ça ira mieux après.

L’économie, tel qu’elle est, tue; et ce ne sont pas les innombrables morts qu’elle a laissé derrière elle, depuis des siècles, dans la précarité et la poussière, qui jusque là ont suscité le moindre ajustement de la mécanique.

 Nos carcasses sont ficelées au capitalisme, et si aujourd’hui nous devenons tous cadavres, alors l’industrie-monde ne devient plus qu’un grand tombeau, et les profits du compost pour les lombrics. En finalité, cette perspective ne rapporte guère. Alors cette fois-ci, pour relancer l’économie-usine, ils tenterons de sauver nos chairs, pour que le manège de la croissance continue.
 N’en doutons pas, si des structures aux pensées, tout se robotise, s’informatise et se mécanise, alors l’humain se perd. Tout n’est plus qu’une immense entreprise et la vie devient un algorithme, sa gestion devient comptable. Les mécaniques ne ressentent pas et bien des humains ont aujourd’hui la froideur des robots.
Production, exploitation, calcul, pillage, rendement, meurtres. 
L’histoire de l’économie est une longue histoire de crimes.
Ainsi, si nous sommes à ce point réifiés, rendus choses et marchandises, force de production et de consommation, peut-être devrions nous maintenant que tout est presque clos et que nous récupérons un peu de temps, nous poser la question: 
voulons nous que notre avenir soit encore celui-ci ?

C’est là qu’il faudra choisir un camp. 
Pour nous, c’est le « non » qui prévaut: nous ne tolérerons plus l’intolérable. Il est temps de ne plus être rouages, vis et boulons, d’entrer dans ce nouveau millénaire non sans fracas, mais avec toute l’exigence que demande la vie: attention, coopération et combativité. Refusons une bonne fois pour toute de revenir aux causes de tous ces maux; sans quoi nous condamnons le présent et l’avenir de l’ensemble du Vivant.
L’économie mondiale s’est grippée; torpillons-là.

*
Le vendredi 17 avril était proposé, à l’Assemblée nationale, la possibilité de mettre à disposition 20 milliards d’euros pour le sauvetage de grandes entreprises telles qu’Air France, Renault ou le parapétrolier Vallourec.



L’architecture du pouvoir est plus que jamais exposée. 
Ce virus a comme un goût d’apéritif face aux crises qui se profilent et tiennent de la même recette: une économie furieuse et débridée, enlacée à des états autoritaires et arrogants. Cette crise, par ailleurs, servira d’instrument pour ré-ajuster l’appareil de contrôle et de surveillance, alors ils feront voler les drones de la police parmi les derniers oiseaux et rendront l’Internet plus panoptique que jamais, « pour notre sécurité » dirons les hauts-parleurs. Aussi, ils sacrifieront les derniers acquis sociaux sur l’autel d’une économie à relancer, finissant d’asphyxier les horizons redevenus bleus quelques mois. Les crises ont toujours été bonnes pour l’économie et les fascismes — cela s’appelle la stratégie du choc. Si ce cap est ainsi maintenu, nous passerons en effet d’ici peu au plat de résistance, avec ce qu’il comporte de crises écologiques majeures, et son assortiment de guerres, famines, dictatures et autres virus.

Encore une fois, cette période nécessite de poser cette question: est-ce le monde que nous voulons ?

Pour ces privilégié.e.s qui diront « oui »; qui préfèreront garder pour peu de temps encore leur confort et profits, par plaisir et cupidité ou encore par peur, ignorance ou volonté de ne pas savoir; il sera de notre devoir collectif de rendre ce « oui » ringard et désuet.
Il l’est — déjà.

Nous avons la chance d’être à la préface des bouleversements qui viennent; à nous, de tous nos corps, cœurs et voix de les faire pencher du bon côté. 

C’est le monde entier qu’il faut reconditionner, pour faire de cette décroissance forcée une décroissance voulue. Il faut dès Aujourd’hui reprendre Demain à celles et ceux qui nous le confisquent.
Nous devons donc déployer l’arsenal populaire nécessaire, les états ayant prouvé leur incompétence — sinon leur collaboration au drame. Transformons dès maintenant cette pause en rupture. Passons nous le mot, organisons la sortie. L’heure est à l’effervescence de nouveaux imaginaires collectifs, et à leur mise en pratique.

L’aboiement de jadis est maintenant un cri de ralliement. Il sonnera bientôt à travers tous les vallons du globe. C’est maintenant. L’air se charge; l’époque change. Les meutes sont partout; autour. Affûtées et à l’affût. Elles s’ignorent ou se tiennent prêtes; décidées à s’agrandir, à reprendre le terrain. A redécouvrir la largeur de nos territoires, de l’étendue des plaines à nos sentiers intimes et ombragés. Nous rôderons partout. Traverserons les espaces et les feront Communs à nouveau. Alors ils organiseront des battues, torches au poing, cris dans le vent et poudre au bout du canon. Ils seront toujours là, les mêmes, mais nous serons plus vifs; furtifs. 
Traqués dans la société de trace; chassés dans la société de classe mais le loup se débrouille, brise-barrière et tranche montagne.

 

Vers les voies sauvages_

Sauvage; du latin silvaticus « de forêt, forestier »,

Se dit d’animaux qui vivent en liberté; dans les bois. 

*

Nous suivons les traces pour revenir à la forêt; 

et aller vers les temps nouveaux. 
 


Nous en sommes maintenant sûr.e.s: le nécessaire d’hier ne sera pas celui de demain.

La richesse ostentatoire est maintenant comme une obésité morbide. La richesse sera désormais tout ce que nous aurons réussi à ne pas amputer au Vivant. Notre croissance sera bien plus subtile et délicate. N’oublions pas qu’il existait un monde avant le capitalisme et qu’il y en aura sûrement un après. A savoir si nos pieds le fouleront.

Voici ce que chantent les oiseaux, ce printemps:

« Toutes les logiques capitalistes et productivistes sont archaïques ! Le PIB est un fossile. La vraie croissance est celle des arbres et des enfants, des liens et de la joie ! Venez, suivez les Vivants, ripostez; et jouons dans les flaques ! » lâche un merle-acrobate en voltigeant au dessus de nos têtes.

« La croissance est un mythe laissé à quelques sectes et chantres du progrès; groupuscules pervers et radicaux priant de vieilles statues d’or. » 
Ré-enchérit une canaille de pigeon, puis nous averti une dernière fois avant de s’engouffrer entre deux arbres.

« Le néo-colonialisme s’est étendu à toutes les sphères et tous les espaces, du dernier hectare de terre sauvage jusqu’à vos plus profonds replis humains; ces strates où poussent vos vices et vertus. Elles ont elles aussi, été pillées et polluées. »

Les aviateurs parlent vrai. Écoutons les oiseaux. Caressons le printemps.
Il est temps de stopper l’extraction; notre capacité d’encaissement est elle aussi une ressource limitée. Sonnons la fin des humains-Dieux, accompagnés de leurs sordides machines domestiques, artificielles et militaires, et que viennent les nouveaux hybrides ! Humanimals, humains et humaines croisé.e.s à toutes les forces Vivantes. Nous serons nouveaux et anciennes à la fois. Connecté.e.s à des temps plus lointains, à des profondeurs plus fécondes et à un avenir partageable. La joie est là ! Formons nos meutes et marchons vers les ruines, ces abysses modernes pour les ré-ensauvager, accompagné.e.s par des torrents d’insectes; des pluies ivres d’oiseaux-d’orage et quelques autres animaux sauvages devenus camarades en route. Les sangliers nous reconnaissent comment alliés; les rapaces nous indiquent la route du haut de leur toit d’azur. Nous avançons, entre les brèches et jungle étroite. Devant nous, tel les nuages de criquets, la seule perspective est celle du ravage.

*
Ravage, du latin rapere: « entraîner avec soi, enlever de force ».
Entrainer avec soi toutes celleux qui brulent d’avoir autre-chose, autrement, autre monde. 
Enlever de force le pouvoir à qui ne devraient pas l’avoir.
Actons la destitution pour que nous puissions reconstruire.


 

Nous vivons dans et avec le Vivant; et venons lui rendre sa place. Habituons nous à reculer. A céder nos sièges et les passages. Nous avons trop occupé l’espace. Saturé. Trop produit et encombré; pas assez vécu — il est temps d’habiter réellement !
Nous n’avons pas l’esprit de conquête, mais celui de partage, or, tout ayant été privatisé, il nous faut bien arracher quelques victoires pour que terres et mers redeviennent un peu plus — Communes.
Qui ne tient pas compte de la Vie commet un crime.

 

Les pavés_

Les poèmes ne suffiront pas — seuls — à réparer le monde; 
Alors pavés et pavés !
Nous faisons face à un ennemi plus radical que jamais.

*
Le 1er mars 2020, l’état lançait un appel d’offre pour l’acquisition massive de gaz lacrymogènes d’un montant de 3.6 millions d’euros.
Une nouvelle commande, du 12 avril 2020, concerne l’acquisition de 651 drones et s’élève à 3,5 millions d’euros.

Une telle manœuvre autoritaire montre bien l’ambition de l’état quand à la destruction de toute forme d’altérité. Leur niveau d’engagement est ici affirmé; plus aucune règle ni limite ne semble valoir. Ainsi soit-il. Ces politiques incendiaires ne font que nous donner du combustible.

Nous lorgnons sur les rues et flairons l’orage. Plus que jamais, nous savons comme il sera décisif et nécessaire d’entrer en Résistance face aux mortifères. Celle-ci devra être aussi vaste qu’elle le pourra, se développant à tous les étages et niveaux d’implications, mais devra être lucide. Nous écrivons pour demain; mais nous aurons beau imaginer toute la largeur du ciel, il y aura toujours un palier de réalité pour nous faire redescendre. L’ancien monde nous course, le nouveau peine à venir. Il va falloir nous battre, de toutes les manières. Nous comprenons que nous n’accomplirons rien sans l’affrontement, et qu’il faudra, lui aussi, le redéfinir. Il est l’heure de couper avec les illusions bon-enfant et l’indifférence pour entrer dans une franche révolte, une honnêteté-lucide et un bouleversement radical. Nous ne tolèrerons plus jamais l’intolérable. Les victoires seront celles des esprits inventifs; à qui prendra les devants; aux forces qui s’articuleront. 

Que pouvons nous faire ?

Il nous faudra déplacer les meutes; désaxer les batailles. Retrouver le mouvement souple, la pâte légère qui ne laisse pas de trace; aucune prise au chasseur. Apprécier l’odeur du grand air. Faire de la disparition une puissance pour mieux ressurgir. Ne plus tolérer aucune muselière. Connecter nos terriers pour toujours savoir qu’il existe des endroits où lécher nos plaies, sans inquiétude. Puis repartir pour rebattre les cartes, brouiller les pistes et toujours gagner du terrain — libérer des zones.

*

Occident du latin occidere: « tomber »
Nous sommes au lieu de la chute,
Cette civilisation; ses idoles, concepts
Doivent chuter, comme l’arbre
Pour que Forêt refleurisse. 


Retrouvailles_

Isolé.e.s, nous formons des tribus malgré tout connectées. Du bout de nos doigts agiles, nous filons la grande toile numérique — parfois avec encore trop d’insouciance, alors que nous présentons que nous pourrions y rester englué.e.s. Nos données que justement, nous donnons, pourrons bien un jour se retourner contre nous. Le jour où l’araignée le décidera, nous serons moucherons. 
On se promet de se rejoindre; quand nous le pourrons. En attendant, on s’envoie de quoi profiler la suite. Nous ferons une grande fête, quand nous pourrons toustes ressortir. Sur un bûcher énorme nous incendierons les illusions d’avant. Nous danserons. Nous célébrerons les temps nouveaux, dessinés dans le confinement — ou inventés depuis longtemps. Nous redonnerons sens à la fête, au festival, à la rencontre, au face à face qui nous aura tant manqué.

Quand nous nous déplacerons à nouveau, nous ne manqueront pas d’aller saluer et prêter main forte à toutes celles et ceux à qui nous n’avons pas encore rendu visite. Nous pensons notamment aux ZAD et divers lieux d’action et de résistance. L’insoumission est un mouvement. Nous devons le nourrir, fortifier le réseau, accroitre nos savoirs, expérimenter les systèmes; et tout multiplier.
Nous sèmeront nos graines, partout, dans le vent et la tempête.

Pour qui veut se déplacer et se rallier aux courses des nomades, savez-vous que certains vélos sont increvables ? Rions des voitures insolentes, elles seront bientôt d’un autre temps…

Nous laisserons entre les murs où nous nous sommes arrêtés le temps d’un confinement, les dernières choses qui nous raccrochaient à l’ancien monde. Nous les abandonnerons car plus rien ne tient. Tout récemment, le 10 avril 2020, une étude scientifique parue dans la revue Nature estime que nous pourrions vivre un effondrement brutal des écosystèmes dès 2030. Il nous resterai donc à peine dix ans pour changer la donne.
Nous n’avons plus le temps de ne pas être lucides et efficaces. Il faudra mettre de côté certaines perspectives pour en dessiner d’autres, peut-être moins confortables; mais infiniment plus heureuses car nécessaires et justes. Indispensables et insurgées.

 

On laissera partout, autour d’un arbre ou sur des feuilles, nos coups de griffes pour indiquer le chemin aux autres. Des signaux à qui regarde, hume et sent. 
Rejoignez la meute ou formez en d’autres. Hybridons nos courses, croisons nos forces.

*
Le covid-19 n’est qu’un symptôme,
La maladie c’est le capitalisme;
L’insurrection
L’anti-dote.

Dès que nous le pourrons, nous sortirons en suivant les loups.
Nous reprendrons les voies sauvages.
Nous ne nous rendrons pas.
Rien n’est préférable à la Vie.

L’été sera chaud.

Conclusion_

Nous aurons compris l’essentiel. 
A quoi tient l’existence. Le reste tombe au sol; le décor en morceaux. Les marchands nous vendrons les fragments mais nous n’aurons plus un sou, alors nous les rembarrons. Bientôt serons obsolètes, ringardes, toutes les sordides pratiques d’hier. Nous aurons appris à nous débrouiller; tissé des liens plus solides et nombreux; finalement compris que l’état s’était nous — et que nous pourrons donc désormais nous passer de lui.

Nous vivons une extinction de masse du Vivant, comment cette idée ne peut-elle pas entrainer un bouleversement radical de notre société et de ses individus ?

Nous nous sommes rasés la nuque ou les tempes.
Tout fait signe de rupture.
Nous sommes la joie du monde libre, du loup qui est passé sous le grillage. 
Nous avançons, pour que rien ne redeviennent comme avant.
Nous venons renouveler le pacte avec le Vivant. 
Nous appelons à former les tribus, hordes et meutes — de l’écologie sociale et radicale, féministe et décoloniale. 
Nous sommes les louves et loups qui courent dans l’ombre.
Nous mordrons, tant qu’il y aura De Quoi Mordre.

 

Aliothéose et Chatterton

Plus loin:

Collectif « Pas de retour à la normale »
=> https://www.facebook.com/pasderetouralanormale/



La BD « Relance » d’Alessandro Pignocchi
=> https://lundi.am/La-relance-3

« Ne laissons pas s’installer un monde sans contact » / Appel au boycott de l’application StopCovid:
=> https://www.terrestres.org/2020/04/27/ne-laissons-pas-sinstaller-le-monde-sans-contact/?fbclid=IwAR1zgdZxPJD-kZjAiCh_MYZg995ldah7OwKsD-V6ptkJUgw-X-JTPAANeMc

« Nos arguments pour rejeter StopCovid » / La Quadrature du Net:
=> https://www.laquadrature.net/2020/04/14/nos-arguments-pour-rejeter-stopcovid/

Musiques du podcast: album « Shanghai Knights in new New York », de Dog Head
=> https://thedoghead.bandcamp.com/album/shanghai-knights-in-new-new-york

Documentaire « La stratégie du Choc » de Naomie Klein.

Être une Bombe dans un monde atomique

A écouter ici:

Et chez SamouraïTV:

Et à lire juste là:

Retour sur la semaine féministe et anti-nucléaire à la ZAD de Bure, du 24 février au 1er mars 2020.

« À Bure, l’état veut enfouir les déchets les plus dangereux du système nucléaire français pour les cacher loin de nos yeux. Dans l’est de la France ou ailleurs, nous refusons cette politique de l’oubli. Nous ne voulons pas qu’il sacrifie des territoires entiers, polluant des sous-sols pour des centaines de milliers d’années. Nous refusons la banalisation de la vie contaminée. Nous n’acceptons pas que la menace de sa pollution perpétuelle soit occultée. Nous ne voulons pas du nucléaire.
Nous appelons à converger la semaine du 24 février au 1er mars 2020 en mixité choisie sans hommes cis-genre* pour affirmer de tous nos corps avec celles et ceux qui luttent à Bure et ailleurs, notre opposition au nucléaire et son monde. »

*Être cisgenre signifie que notre genre correspond à celui qu’on nous a assigné à la naissance. Cette précision marque le fait que les femmes et hommes trans’ ont toute leur place dans cet évènement.

Communiqué d’invitation et de nombreuses autres informations à retrouver sur le site : bombesatomiques.noblogs.org

Depuis quelques temps, je m’intéresse de plus en plus à certains sujets, la base commune de tous se retrouvant principalement dans la lutte contre les dominations : sur les corps, la terre ou les esprits. Quand je pense au nucléaire, j’ai comme une boule dans la gorge nourrie par la vue des catastrophes passées et consciente des aberrations qu’il engendre. Quand je pense au féminisme, j’ai comme un feu dans le ventre, en colère de me rendre compte de sa nécessité et remplie de joie à l’idée de ce que ça peut nous apporter individuellement et collectivement. Étant donc concernée par la lutte anti-nucléaire et par le féminisme, j’ai répondu favorablement à cette invitation des bombes atomiques. J’ai passé peut être plusieurs heures à errer sur leur site avant l’évènement, persuadée que j’allais participer à quelque chose de grand et que quoi qu’il arrive j’en reviendrais changée, je ne me suis pas trompée…

Un rassemblement en mixité choisie, anti-nucléaire, ce n’est pas seulement reprendre pouvoir sur ce qui nous échappe et ceux-là qui nous gouvernent, c’est aussi s’empuissanter en se réappropriant un langage inclusif, des contres-postures, de la poésie de l’instant et des connaissances fluides, non retransmises éternellement par les mêmes.

Cette semaine-là, nous avons fait l’expérience de l’horizontalité, la vraie, celle qu’on se murmure souvent vouloir, mais qui toujours nous nargue et se faufile en dehors, de peu. Nous ne nous sommes pas coupé·e·s la parole mais écouté·e·s avec la bienveillance que réclame quelqu’un·e qu’on coupe d’ordinaire. Il y a eu parfois quelques maladresses quand les mots employés n’étaient pas les bons, mal accordés ou mal genrés, en devenant excluants, mais bien vite nous retrouvions ouvertement la possibilité d’un dialogue, sans jamais fermer cette porte qui peut soigner, réparer et apprendre.

On a agit avec finesse et un peu de folie, car il nous en fallait bien et qu’il en faudra toujours plus pour détruire les projets absurdement tarés. On a écouté et compris l’importance de notre présence et sa valeur. Cet évènement a créé des interstices dans nos cerveaux, parfois malades d’avoir trop subi. Une force nouvelle nous a fait nous soulever, respirer conjointement, rire, danser et parfois même pleurer. Pleurer des larmes chargées de sens, qu’il s’agisse de sanglots étouffés ou de grosses larmes de colère, nous étouffant les poumons à coups de poing. Si certain·e·s ne se sentaient pas en puissance, maintenant que cela est sorti, ielles le seront. J’ai compris la signification du mot sororité, son importance et sa fraîcheur. J’ai gouté au plaisir de n’être pas objectifiée, ni observée comme potentiellement séductible, me forçant ainsi à me regarder faire, l’autre me renvoyant constamment à ma manière d’occuper l’espace, de parler et d’agir. J’ai librement erré dans une confiance entière et un appétit grandissant de servir une cause commune.

La grande grange froide qui nous recevait, entre autres pour manger, se retrouvait emplie d’odeurs fameuses, de ces repas délicieux faits à plusieurs mains dans les conversations passionnantes et le partage d’expérience. On s’est senti·e·s moins seul·e·s, on s’est lié·e·s, on s’est rêvé·e·s ne jamais partir et continuer cette respiration conjointe. On s’est aussi fait·e·s électrons libres pour se mélanger à celleux que l’on ne connaissait pas. Nous sommes reparti·e·s plus nombreux·ses qu’en arrivant, avec une meute dans la tête, continuant à l’entretenir parfois dans la vraie vie. Que vous étiez belles et beaux toustes à votre manière gracieuse d’être au monde et d’emmerder celleux qui s’en seraient retrouvé·e·s gêné·e·s, amèr·e·s ou jaloux·ses.

Il est vrai malgré tout que les personnes présentes étaient relativement homogènes : majoritairement blanches, du même âge, appartenant aux mêmes classes sociales et de la même identité de genre. Pour que la lutte se fasse d’autant plus juste et forte, il faut qu’il y ait des points de rencontre, le féminisme se doit d’être intersectionnel et inclusif. Les ponts nous permettant de nous rejoindre doivent être constamment redessinés et affinés afin qu’il soit aisé et évident de nous retrouver toustes ensemble, fort·e·s d’être lié·e·s. Il est donc de notre responsabilité collective, de rendre les espaces militants les plus ouverts et déconstruits possible, y compris ceux qui le sont déjà relativement, comme à la Maison de la Résistance, à Bure.

Vers la fin de semaine, après avoir passé les instants nécessaires à notre rencontre et à vivre ensembles, nous avons conjointement réalisé qu’il était temps de réfléchir si nous voulions faire une action, alors tout s’est accélérée. Nous nous sommes divisées par petits groupe de travail pour questionner différents thèmes, dont un: l’évènement prévu en fin de semaine. Ces espaces aménagés en nombre restreints ont permit d’aborder de manière plus complexe tous ces sujets, bien qu’ils aient parfois pu amener quelques frustrations, car nous étions gourmand·e·s de participer à tous. C’est nourri·e·s des divers discussions passées qu’a surgi l’idée de l’action et que nous avons décidé de la baser sur la création d’un nouvel imaginaire commun, pour pouvoir fêter la vie et non pleurer la mort. Lassé·e·s des défaites, il est temps d’inventer nos victoires. Afin que tout soit près à temps, chacun·e·s s’est affairé·e·s pour finir son costume ou préparer des éléments clé.

Et finalement, le samedi 29 février 2020, nous avons eu la joie d’aller danser devant les bureaux de l’ANDRA (l’agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) afin d’y fêter l’abandon du projet CIGEO, visant à enfouir des déchets nucléaires à Bure.

Nous avons; devant des policiers penauds, cadenassé les portes de l’ANDRA avec de grosses chaines, laissant pour quelques temps ces éboueurs·euses du nucléaire prisonnier·e·s de l’univers qu’ielles se sont construit·e·s. Nous avons incendié des hommes-marionnettes et avec eux les symboles qu’ils véhiculent, les flammes se reflétaient dans nos yeux, chargés d’un nouvel espoir…

Ce que nous avions mis en place durant la semaine entière et particulièrement sur les derniers jours a nourri l’évènement final : une confiance au sein de notre groupe, une forme de frénésie nous rendant puissant·e·s dans les moments de tension, une écoute qui nous as permis d’arrêter au moment voulu notre action et de rentrer toustes ensemble ne laissant aucun·e·s de nous derrière, à la merci dès autorités. Nous avons longuement débattues au préalable des envies et besoins de chacun·e·s individuellement pour que l’ensemble soit cohérent. Ces instants parfois complexes, se sont révélés nécessaires et indispensables.

En sortant de ces instants hors temps, nous étions nombreux·ses à avoir les mots « bouleversement » et « sororité » à la bouche. Bien-sûr, certaines AG se sont faites longues et la fatigue a pu créer divers instants moins bien huilés qu’à l’habitude mais l’évènement prévu a fini par avoir lieu dans les chants, danses et symboles nécessaires. Nous nous sommes accordé·e·s sous cette pluie aux allures de tempête, qui lacérait nos mains et nos banderoles mais jamais nos idées ni notre volonté. Nous avons fait une grosse farce, un carnaval digne et nécessaire. Nous sommes devenu·e·s acteurs·rices de ce changement que nous souhaitions voir advenir et soeurfrères sous le vent.

Cette semaine-là, je suis devenue une bombe atomique mais aussi une louve…

Des ateliers organisés par celleux qui le souhaitaient nous ont permis de nous découvrir plus en profondeur et d’éveiller notre créativité ainsi que notre force et c’est au sein de l’un d’eux qu’est née cette louve en moi.

Je vous invite à la découvrir…

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« Ma louve fait peur, elle fait peur parce qu’elle ose. Elle a la force de ses crocs et son pelage chaud pour étreindre.

Râle, balbutiement, emphase et objection.

Elle se laisse guider par ses sens au rythme de ses combats. Ma louve a les yeux gris de colère et d’espoir. Une larme se balade au coin de son museau que parfois elle balaie d’un coup de langue entre deux cris. Bien vite une autre la remplace, une trainée salée a fini par apposer son empreinte sous ses orbites. Ses yeux sont un miroir du monde s’inscrivant dans son ventre. Elle a l’estomac acide et les pattes tremblantes quand elle se perd.

Ma louve aime la lune, les arbres, courir nue sous sa peau, chevaucher son corps, faire l’amour, danser et respirer fort. Ma louve a peur du noir complet, de cette mort passagère. Mais l’obscurité est son chandelier.

Elle racole, raconte, maugrée, ralentit, s’enthousiasme, elle ne sait pas s’ennuyer.
Elle a peur de l’autre, de son regard prison quand l’autre la transperce de doutes.

Autre, autrement, enterrement…

Elle aime dire qu’elle s’assume mais ma louve ne sait pas à quoi elle ressemble. Elle ne sait pas s’embrasser, trop souvent, elle s’embrase. Ma louve a l’intensité en guise de navire et l’océan à découper, découvrir par chaque morceau.

Ce qui est grand l’angoisse.

Quand elle est en colère, elle s’efface dans son nuage pour laisser l’eau en déborder. Ma louve se veut forte et puissante, elle l’est; peut-elle l’être ? Elle croit pouvoir le devenir, mais elle ne l’est pas tout à fait, pas comme elle aimerait l’être.
Ma louve est sensible et comprend les peines qui l’entourent, les avalent, les empoignent, les partagent sans savoir s’en séparer.

Moi, louve… »
_______________________________________

Je ne sais pas quand sera le prochain rassemblement, mais à toutes celleux (hors hommes cisgenres) qui se reconnaissent dans la lutte anti-nucléaire de près ou de loin, n’hésitez pas à devenir vous-mêmes bombes atomiques, nous façonnerons le monde pour qu’il retrouve sa fraîcheur et détruirons ce qui lui nuit avec la hargne des oublié·e·s…

Participer à cet évènement m’a permis entre autre choses de déconstruire ma manière de penser, de dire et d’écrire. Le masculin n’est par neutre, par conséquent le féminin non plus, c’est donc consciemment que j’ai décidée de rendre ce texte le plus juste possible. Si certaines choses vous ont semblé dures à l’oreille, il faudra s’y habituer, les temps changent… Dans un pays où la devise prône la fraternité et où le masculin l’emporte, excluant ainsi toute une partie de sa population, la neutralité n’existe pas, alors à nous de l’inventer…

Aliothéose

P.S: Nous apprenons, au moment même où nous enregistrons ce texte — c’est en dire en pleine crise sanitaire de Covid-19 — l’évacuation de la ZAD de la Dune. C’est à grand renfort de brutalité policière et citoyenne que les cabanes y ont été incendiées; les véhicules, servant pourtant d’habitat à certain.e.s emmenés en fourrière; les zadistes embarqué.e.s puis relâché.e.s en pleine nuit, bien plus loin, dans des villes inconnues, sans attestation ni respect. A la merci de nouvelles patrouilles, alors que règne la règle du confinement. 

Une telle manœuvre autoritaire montre bien l’ambition de l’état quand à la destruction de toute forme d’altérité. Leur niveau d’engagement est ici affirmé; plus aucune règle ni limite ne semble valoir. Ainsi soit-il. 

Nous affirmons notre total soutien à la ZAD de la Dune et celleux qui y luttent; et appelons conjointement à l’occuper à nouveau, dès que possible et pour le temps qu’il faudra. 

Ces politiques incendiaires ne font que nous donner du combustible. 
Plus que jamais, nous lutterons, dans l’entre-aide et la joie, jusqu’à voir ce règne de la brutalité s’effondrer.

P.P.S (14 avril): Nous apprenons ici la création d’un décret risquant de « renforcer le ciblage des activistes antinucléaires ». A découvrir ici:
=> https://reporterre.net/Un-decret-risque-de-renforcer-le-fichage-des-antinucleaires?fbclid=IwAR1e4TnDBb_FatgXYvyIr_1J_o9vY1hwQE2o_N_A-QC318AWKNdMUjo49fY

Retrouvez les Bombes Atomiques ici:
=> https://bombesatomiques.noblogs.org

Plus d’informations sur le combat mené à Bure à cette adresse:
=> https://bureburebure.info/

Nouvelles d’un futur qui s’invente

A écouter ici:

ou chez SamouraiTV:

Et à lire juste là:

Récits et utopies de confinement.

Suite à une pandémie d’un virus nommé Covid19, les états et l’économie mondiale durent modifier leur fonctionnement.
Une longue période de confinement et un recentrage de l’économie vers les activités dites
« nécessaires » mène à une modification profonde des habitudes de vie de la population. Le cours « normal » des choses semble s’arrêter pour laisser place à des interrogations. Cette pause permet ainsi de tirer de cette expérience ce qui est nécessaire et ce qui ne l’est pas, ce qui est souhaitable, ou se révèle nuisible. D’autre part, la mise à l’arrêt de l’économie offre une leçon criante de vérité quand aux défis écologiques et sociaux que traversent nos sociétés.
Alors que l’ancien monde chute, voici quelques flashs de celui qui renait.

Suite à la mise à l’arrêt des industries chinoises pour des raisons de confinement, la Chine a vu ses émissions de gaz à effet de serre diminuer d’au moins un quart entre le 3 février et le 1er mars 2020. La population se ravie de pouvoir à nouveau contempler le ciel bleu et respirer un air — presque — pur.

*

Le quotidien italien Nuova di Venezia e Mestre a rapporté dimanche 15 mars 2020 des images montrant les eaux de Venise transparentes, à tel point que l’on y distingue des bancs de poissons. Une situation expliquée par la réduction drastique du trafic fluvial, où les bateaux à moteurs polluent fortement.

*

En Sardaigne, alors que le port est quasiment désert, des dauphins ont profité de l’absence des bateaux pour s’approcher des rives. Ils jouent presque avec les rares personnes présentes au bord de l’eau.

*

Une passante aurait filmé un Cygne s’approchant du canal en plein centre ville de Milan. Elle affirme ne pas avoir vu de cygne « aller aussi loin depuis des années ».

*

Des sangliers auraient été aperçus, se promenant librement dans une ville d’Italie. Les canards, quand à eux, peupleraient désormais de nombreuses fontaines.



Nous vous proposons désormais quelques nouvelles qui pourraient être dites, si nous le décidions. Pour faire sourire, imaginer et se projeter, car c’est maintenant que s’organise l’après.
Voici les flashs d’un futur possible.

Suite à la chute de l’euro, en voit partout se développer des élans de solidarité, de troc et de don. Des épiceries gratuites et des anti-marchés fleurissent dans les villes de France. Le nombre de vols aurait ainsi diminué de 85%.
Une personne aurait échangé son vélo contre une maison bourgeoise, désormais transformée en auberge gratuite.

*

L’état annonce la nationalisation des principales banques privées. Il en va de même pour le
secteur postal et le secteur de l’énergie. Au niveau économique, les concepts de croissance et progrès seront remplacés par ceux de limite et d’équilibre. Les principaux experts s’accordent pour dire qu’une telle mesure est favorable à l’augmentation du bonheur personnel et collectif, ainsi qu’à l’accroissement de la richesse écologique du pays, nouveaux indicateurs phares.
*

Les industries polluantes seront progressivement démantelées et leurs bénéfices et dividendes taxées afin de financer un large plan de re-localisation des entreprises, avec l’ambition de développer des filières coopératives artisanales et paysannes dans chaque région. Celles-ci devront être auto-gérées, car comme le considère le nouvel article du code du travail « le patronat ne menant qu’à l’exploitation et donc à l’instabilité, celui-ci doit être progressivement détruit afin que la production se déroule dans un cadre d’égale répartition des richesses et de capacité de décision. »
Pour aller dans ce sens, les outils et moyens de productions appartiendront désormais à celles et ceux qui s’en servent. Cette phase de confinement ayant permis de se rendre compte du manque d’autonomie alimentaire des foyers, la permaculture et les systèmes de paysannerie valorisant la terre seraient désormais capables, en se développant au quatre coin du monde, de nourrir l’intégralité des humains.
La Dordogne et la Bretagne seraient les premiers départements à être
autonomes alimentairement d’ici 2022.

*

Avec la fin des grandes industries et l’exploitation du Vivant, les exportations et importations mondiales ayant fortement diminué, le « fait main » se développe largement. Des nouveaux styles vestimentaires voient le jour avec pour seule limite l’imagination. Le recyclage de matériaux anciens devient une base de matière première et l’artisanat est remis au goût du jour.
Vanneries, poteries et vêtements se troquent dans les villages.

*

Si les causes du bouleversement écologique semblent aujourd’hui avoir été éradiquées, leurs effets continuent à se faire sentir au niveau mondial, entrainant régulièrement des migrations de population. C’est pourquoi le peuple-politicien français s’est accordé pour faire de l’Elysée un des plus grand centre d’hébergement de migrants. De même, toutes les boutiques de luxe abritent désormais celles et ceux qui dormaient devant.

*

Suite à la prise de conscience que les individus valent tous et toutes quelque chose, bien qu’ils ne veuillent plus être salariés: le salaire à vie sera instauré d’ici peu; et les hauts salaires limités. Une avancée majeure vers une société plus juste et égalitaire. Bernard Friot applaudit la mesure.
Nous attendons maintenant le temps où nous vivrons sans argent.

*

En réponse aux violences domestiques ayant eu lieu lors du confinement, des groupes féministes de discussion et d’auto-défense se sont formés dans chaque ville, amenant de nombreuses femmes à s’émanciper et s’empuissanter. Nous en voyons aujourd’hui nombre d’entre elles afficher des t-shirt avec l’inscription « Ni mari ni patron ! ».

*

Suite à la surconsommation de divertissement numérique lors de la phase de confinement,
amenant à un black-out de nombreux réseaux, les familles se sont redécouvertes, sans écrans. Traversant pour certaines des phases de trouble, les conflits se seraient finalement apaisés, permettant de dires des choses qui n’avaient jamais était dites auparavant. Depuis cet épisode, les familles de nouveaux soudées créent de partout des zones de discussion libre afin de soutenir celles et ceux pour qui le dialogue resterait plus complexe.

*

Ayant pris conscience que les rues portent souvent le nom d’hommes blancs ayant tiré sur le peuple, toutes celles-ci affichent désormais les noms des personnes ayant été victimes de crimes policiers. Quand aux autres, la plupart ont été remplacés par des noms choisis par les habitants de ces même rues, allant du nom de la voisine attentionnée au jeu de mot original.
Petit conseil: à Beaumont-Sur-Oise, au croisement de la rue Adama Traoré et de la rue Mamie Lucette se trouve une merveilleuse cantine auto-gérée.
*

Des sanctuaires du Vivant, lieux où toute intervention humaine est strictement interdite seront définis dans chaque région de France; ceux-ci varieront d’un dixième à un tiers de la superficie de chaque région. Différentes photos sur les réseaux sociaux indiquent déjà un repeuplement des campagnes par les oiseaux et autres animaux sauvages. Un certain Alain B. aurait même aperçut un rapace anciennement en voie d’extinction, niché dans son grenier.

*

En vue de diminuer le traffic des véhicules personnels à moteur de 80% d’ici 5 ans, les transports en commun seront désormais gratuits dans tout le pays. On annonce également qu’un quart des routes françaises deviendront des pistes cyclables. Des ateliers de réparation de vélos ouvrent chaque jour dans les villes et village. La mode est désormais aux tribus nomades, qui sont déjà plus de 400 à circuler dans tout le pays avec des vélos équipés pour les longues distances.

*

Suite aux catastrophes écologiques qui résultent de l’activité bancaire et des conceptions du monde qu’elle a entrainé, le métier de trader est désormais dissout et la spéculation financière interdite. Un plan de formation leur est proposé en vue de reconversions dans les métiers de l’artisanat et de l’agriculture biologique.

*

Le gouvernement français annonce se démission et demande un effort national pour mettre en place une démocratie directe via des Référendums d’Initiative Citoyennes et des Assemblées populaires. Les premières rencontres se font dores-et-déjà dans de nombreux villages de France, dans une ambiance chaleureuse et printanière. C’est ainsi qu’à Palaiseau s’épanouit une des première mairie tournante du pays.
Par ailleurs, la marseillaise serait remplacée d’ici peu par un nouveau chant prônant la paix et les valeurs écologistes, anti-capitalistes, féministes et décoloniales.

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Emmanuel Macron, ancien président de la République Française et nouveau stagiaire dans une ferme pédagogique aurait été aperçu en train de désherber du persil au lieu de mauvaises herbes, mais pas d’inquiétude, il aura le temps d’apprendre.

*

Suite à l’explosion du nombre de crimes policiers commis depuis le début de l’insurrection des gilets jaunes, les police nationale sera prochainement dissoute. Seuls les policiers municipaux continueront leurs tâches de proximité, mais devront désormais être désarmés. Selon un récent sondage, le sentiment d’insécurité aurait déjà diminué de 40%.

*

Après un référendum, la devise nationale « Liberté Egalité Fraternité » sera remplacée par
« Liberté Egalité Solidarité ». Divers groupes féministes saluent cette victoire qui reflète une réelle avancée politique et philosophique dans le pays.

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Car jugés responsables des mouvements de panique ayant créé des pénuries durant la période de confinement — ainsi que l’anxiété ambiante qui flotte depuis des décennies dans le pays —, les médias de masse seront dissous. Leurs succèdent désormais, tel samouraï.tv, des plateformes collaboratives décentralisées où bouillonne une culture nouvelle et où la publicité est interdite. Selon les dernières études, le niveau d’instruction des français.es serait en augmentation, et, à l’inverse, le taux de dépression aurait diminué de 24% depuis le début de l’année.
L’animateur Cyril Hanouna ce serait découvert une passion pour les invertébrés et travaillerai désormais sur une émission qui étudie le lien entre les vers-de-terre et le jardinage ! Passionnant !

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L’école nationale, estimée incapable à former des esprits libres, autonomes et aptes à faire face à des crises majeures, est actuellement en profonde révision. Le temps de travail étant aujourd’hui réduit, les parents y auront une place plus grande et les cours pratiques occuperont désormais la moitié du temps de classe. Les méthodes d’enseignement alternatifs fleurissent dans toutes les écoles et sont gratuites pour toutes et tous. Les enfants sont désormais libres de choisir le programme scolaire qui leur convient le mieux.
Deux jeunes frères, de 6 et 8 ans, Axel et Milan M., auraient été à l’initiative de l’ouverture de la première classe sans adulte. Les résultats y seraient époustouflants !

*

Car jugées trop dangereuses pour l’ensemble du Vivant, et inutiles dans une société décroissante, l’assemblée constituante citoyenne sur l’énergie a pris la décision de démanteler toutes les centrales nucléaires au plus vite et de donner aux scientifiques le plus de moyens possibles pour trouver une solution, afin de traiter en surface les déchets déjà produits. Grace à la conception de basses technologies performantes et à la création de sources d’énergie renouvelables à l’échelle des villes et foyers, nous assistons à une baisse de consommation d’électricité globale. Un groupe anti-nucléaire et féministe, nommé audacieusement « Les Bombes Atomiques » a organisé des
carnavals devant chaque centrale nucléaire pour fêter leur démantèlement prochain.
Elles annoncent un futur rayonnant, mais sans radiation !

*

Les mémoriaux des deux guerres seraient progressivement remplacés, partout dans le pays, par des statues de pangolin, nouvel emblème d’une société écologique, heureuse et décroissante.

*

La société de classe étant abolie et chaque personne étant désormais libre d’occuper la place qu’elle souhaite et d’en changer, la population française voit aujourd’hui sont expression artistique nettement augmenter. A cet effet, les Théâtre Nationaux sont désormais auto-gérés par des collectifs d’artistes en rotation, et font chaque jour salle pleine. Dans le même sens, l’art se manifeste aujourd’hui à chaque coin de rue, dans une euphorie nouvelle !

*

De nombreux pays semblent adopter des modes de fonctionnement similaires et devraient
prochainement s’organiser pour mettre en place un vaste plan mondial d’écologie sociale et radicale.

Il est sûr que nous vivons des temps de bouleversement, qu’ils soient politiques, écologiques ou économiques. Les anciens modèles montrent chaque jour leurs failles, nous condamnent à leur échec, c’est pourquoi nous devons, dès aujourd’hui, nous saisir collectivement du reconditionnement du monde.

Nous sommes sûr.e.s que personne ne voudra revenir à l’ancien,
tant le nouveau qui se dessine pourrait-être profondément plus joyeux, sensé, juste et équilibré.

Qui préfèrera la pollution à l’eau claire ? Qui troquera son temps passé à vivre ensembles contre l’exploitation salariale, pour des constructions qui ne se révèlent, finalement, « pas nécessaires », voir néfastes ? Qui, après la mise en pause du capitalisme et de la mondialisation, pourra dire qu’ils ne sont pas responsables du drame écologique et humain ? Qui n’aura pas vu la mascarade politique ?
Qui ne préfèrera pas le vrai monde ?
Qui le mettra en place ?

A nous de tirer les bénéfices de cette situation pour finalement, détruire ce qui nous nuit, et faire advenir ce qui nous semble souhaitable.

Voici notre confinement, nos utopies qui nous tiennent debout, nos projections qui nous font du bien. C’est ici, paradoxalement, que nous trouvons de la liberté, bien qu’enfermés entre nos murs. Et vous, quels sont vos flashs ?
Pour que ces utopies ne soient pas qu’imaginaires mais des prédictions, réfléchissons, organisons l’après, et profitons des réseaux pour les partager.

Notre monde change, prenons soin de lui et de nous.
Courage force et bienveillance, individus du réel.

 

Aliothéose et Chatterton

« Ne restons pas sidéré.e.s face à cette situation qui nous bouleverse, nous enrage et nous fait trembler. Lorsque la pandémie sera finie, d’autres crises viendront. Entre temps, il y aura des responsables à aller chercher, des comptes à rendre, des plaies à réparer et un monde à construire. À nous de faire en sorte que l’onde de choc mondiale du Covid-19 soit la « crise » de trop et marque un coup d’arrêt au régime actuel d’exploitation et de destruction des conditions d’existence sur Terre. Il n’y aura pas de « sortie de crise » sans un bouleversement majeur de l’organisation sociale et économique actuelle.

Il y aura un avant et un après. Nous sommes pour l’instant confiné-e-s, mais nous nous organisons. Et, pour sûr, nous reprendrons les rues, les jardins, les outils de travail, les moyens de communication et les assemblées, ensemble.

La stratégie du choc doit s’inverser. Cette fois-ci le choc ne servira pas à affermir le contrôle, le pouvoir central, les inégalités et le néolibéralisme, mais à renforcer l’entraide et l’auto-organisation. À les inscrire dans le marbre. »



Texte entier sur Lundi Matin:
=> https://lundi.am/Face-a-la-pandemie-retournons-la-strategie-du-choc-en-deferlante-de-solidarite?fbclid=IwAR0wnsVFVkB2kFOFFed17eMHajkSLWCqB7fp7g5shPtxRu6wi-Smwqdydcw

Et pour organiser la solidarité nationale:
=> https://covid-entraide.fr/
=> https://covidentraide.gogocarto.fr/

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