Vive la jeunesse insurgée

Le dix février deux mille vingt, un groupe de militants de Youth For Climate a envahi les bureaux de la multinationale BlackRock, à Paris. 



L’organisation de l’action était simple et joyeuse, se faisant même dans une certaine euphorie, peut-être due à l’idée qu’ensembles, nous n’allions plus subir, mais résister. Plus attendre, mais faire. Plus demander, mais prendre. Bref, nous allions vivre la joie spontanée de la mutinerie.
Sans trop nous connaitre les uns, les unes et les autres, sans trop d’expérience mais armés de notre jeune âge et d’un amour encore grand pour la vie, nous allions simplement jaillir hors du néant qu’est la passivité pour nous mettre en mouvement.
Nous allions attaquer une multinationale pour défendre le Vivant.

J’aime ces jeunes dont je suis camarade et qui semblent avoir grandi bien vite. De l’enfance, nous voici jetés dans la lutte. Alors, frères et sœurs, tenons-nous ! Nos motifs sont simples et semblent légitimes. Nous nous révoltons car nous sentons notre avenir se faire emporter, confisqué par des intérêts privés; mais aussi car les conditions actuelles de notre présent ne nous conviennent pas, celles-ci rendant déjà la vie impossible à bien des personnes. Nous refusons autant d’être asservis que nous refusons d’avoir des esclaves. C’est donc l’ensemble d’un système d’exploitation et les faux-rêves qu’il propose que nous combattons, au nom d’une vie qui mérite, d’où qu’elle soit, d’être heureuse et authentique.

Si nous en sommes là, c’est que nous avons aujourd’hui les idées claires. Ils ont pourtant bien tenté d’emmailloter notre enfance d’illusions, mais la réalité est tenace; et souvent fracassante quand elle revient. D’ailleurs, il semble qu’elle revient toujours. Les mensonges portés par l’état et le capital sont chaque jour un peu plus décapés par le réel, par l’implacable odeur de mort qu’ils sèment derrière eux. Qu’importe vos discours, vos histoires; la puanteur est bien plus forte.
Les mythes du « progrès », d’une « république démocratique » ou de la « croissance » sont à jeter; nous avons arrêté d’y croire peu longtemps après les comptes pour enfants. Nous avons vu des camarades de classe maintenus au sol par la police. Nous avons vu des gens mourir dans la rue, devant des boutiques dégueulant de nourriture. Nous avons vu des marchands mettre de la javel sur cette nourriture pour qu’elle ne soit pas mangée. Nous vous avons vu enjamber leurs corps sans inquiétude. Nous avons vu, dans le même pays, des personnes vivre moins bien que des chiens. Nous avons vu des animaux crever dans les flammes et des hectares des forêts disparaitre sous les pelleteuses pour y construire à la place vos prochains temples et leurs voies d’accès. Nous avons vu la justice protéger les bavures policières, les bourgeois et leurs entreprises mortifères. Nous avons aussi goûté à leur mépris. Nous avons vu l’infâme spectacle de la marchandise et entendu tous vos mensonges enrobés. Nous assistons à la sixième extinction de masse, dans le plus grand déni. Nous avons vu que vous donniez, finalement, plus d’importance à l’argent qu’à la vie. Alors maintenant, nous ne croyons plus en rien d’autre qu’à l’insurrection joyeuse de la jeunesse face à votre entreprise de la mort.
Comment faire autrement ?

Vous avez fait de la violence un système alors nous devons adapter nos méthodes pour en sortir. Nous opposerons notre violence révolutionnaire à votre violence bien huilée, d’état et de marché. Nous multiplierons les tactiques et quand il le faudra, nous saccagerons ce qu’il faudra saccager, ces quelques bureaux et effigies, pour rappeler aux vrais saccageurs, ceux en costumes, la brutalité première de leurs actes.
Nous écrirons « criminels » en dessous de vos noms, « assassins » sur vos enseignes. Nous crierons « écologie libérale, mensonge du capital » sous vos fenêtres. Nous verserons du sang sur vos moquettes, vous qui ne voyez pas celui que vous faites couler loin de vos fauteuils confortables.
Nous venons vous rappeler l’horreur de vos actes, et vous sommer d’arrêter pour de bon. Sans quoi nous reviendrons, avec plus de nombre, de force et de détermination. Il est sûr que « le capitalisme ne rendra pas les clés gentiment (₁) » ; c’est pourquoi nous devrons enfoncer la porte. Il est l’heure de s’y préparer.

Mais comme nous l’avons dit, nous avons les idées claires et savons bien qu’en retour, c’est nous qui serons taxés de vandales, poursuivis en justice. Car vos crimes sont institutionnalisés par l’état, encouragés par les médias, protégés par la police; notre révolte ne pourra être que réprimée, donc violente. Nous sommes prêts; sûrs de notre bon-droit comme l’affamé qui vole sa bouchée de pain. Et si vos bâtiments doivent brûler il brûleront. Par nous ou par la Terre, un jour, pour sûr; ils brûleront.
Comme aussi les prisons. Comme les CRA. 
Comme toute l’horreur de ce système qui est votre immonde enfant.

Nous entrons comme dans une guerre, car le capitalisme a l’esprit de conquête. Car il ne peut vivre que par l’exploitation constante et effrénée de tous les territoires. Sur toutes les mers du globe, toutes les terres accessibles, et même jusqu’aux cieux où vous rêvez vos prochaines batailles. La Terre elle-même ne peut satisfaire vos appétits d’ogres, alors vite, avions, fusées, satellites, planètes — vous voulez tout ! Nos territoires intimes aussi, vous les envahissez: blessez nos corps au travail-imposé, essayez de réduire nos esprits à une masse uniforme, tentez d’acheter notre temps, d’émietter nos espoirs. Vous empiétez sur le monde. Vous avez même dénaturé les mots, alors comment pourrions nous nous entendre ? La croissance est pour vous financière, elle est pour nous celle des arbres et enfants. Le profit est pour vous la prochaine exploitation possible, il est pour nous ce que nous aurons réussi à ne pas amputer au Vivant. La richesse est pour vous de l’argent, elle est pour nous la beauté des joies simples et l’amour.
Voilà ce que vous criez: « nous venons tout piller ! », alors nous sommes forcés de venir tout reprendre, pour le protéger et nous le partager.

Quand à vous, les bourgeois que nous avons chahutés, vous qui êtes satisfaits dans vos bureaux d’où vous opérez vos crimes en sous-main et amassez vos fausses richesses, prenez conscience de votre incompétence et trouvez vous un métier véritable; un qui se fait avec le cœur et les mains, qui sert au bien commun, qui protège la vie et la rendra plus douce, qui aidera le monde. Paysan, par exemple.

Ce que signifie cet évènement du dix février, c’est que vous n’êtes pas à l’abri, vous les voyous; qu’aucune forteresse ne vous protège, et qu’une bonne partie de la jeunesse marque un refus nouveau, se préparant à une insurrection radicale, profonde, sociale et écologique. Avec ses drapeaux elle porte l’espoir. Trop longtemps vous n’avez pas entendu, trop longtemps nous avons attendus; maintenant, nous attaquons.
Capitalistes, exploitants, politicars, dominants: ne vous sentez plus jamais sûrs.
Si être « radical » signifie détruire de ce qui nous détruit, et créer ce qui nous libère, alors nous serrons radiaux et joyeux.ses. Mais n’oublions pas de rappeler que la vrai radicalité, la mère de toutes les autres est celle de la violence de ce système, qui nous pousse à de telles actions. Pour celle-ci, il semble que nous n’avons pas été concerté.e.s…

Alors rejoignez-nous ! Nous sommes partout. Nous sommes les enfants qui chantent des lendemain nouveaux. Nous ferrons du bruit et mettrons des couleurs. Nous enfilerons les masques des animaux disparus. Vous nous verrez dans les villes quand nous déboulonnerons l’absurdité d’un modernisme déjà archaïque et dans les campagnes, quand nous reprendrons les champs pour rendre la vie bonne, avec nos amis les oiseaux, les arbres et les ruisseaux. Nous viderons les institutions de leurs fonctionnements monarchiques et brûlerons les portraits des rois. Nous décorerons les palais de nos poèmes anarchistes. Nous trouverons d’autres manières d’exister et donnerons des spectacles pour créer de nouveaux récits. Nous ferrons de nos habits de pauvres un signe de noblesse et de l’imagination une alliée. Nous le faisons pour l’ensemble du Vivant, pour les enfants que nous aurons, mais aussi pour ceux que d’autres vont refuser d’avoir, la faute à des temps trop difficiles. Vous nous avez aussi volé cela.
Notre colère n’a pas plus de limite que notre joie, et c’est ainsi que nous continuerons, dans la rage et l’amour, jusqu’à mettre ce système mortifère à jamais hors-service.

Alors appelez nous comme vous voulez, vandales ou criminels,
Cela importe peu, nous ne sommes personne,
Mais bientôt,
Tout le monde saura.

« Nous répandrons notre jeunesse et notre gaieté partout où ils sèment la mort et la désolation. Nous leur rendrons la vie insupportable jusqu’à ce qu’ils finissent par fuir sur des îles désertes. 
Et puisque nous voulons vivre une belle vie, nous continuerons, de notre côté, à cultiver les sols, à nous entraider, et aller à la rencontre de tous ceux et celles qui veulent sortir du pétrin où ils nous ont mis. Notre joie ne sera jamais intimidable. »
Extrait du communiqué du groupe Désobéissance Écolo Paris – 11.02.2020

La jeunesse offre la chance d’apporter un regard neuf sur le monde, voici le notre: il brûle par votre faute, et nous négocions plus avec des pyromanes.

Chatterton

Photographie: Cor Jaring

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Vive la jeunesse insurgée

Liens:
₁) https://blog.mondediplo.net/le-capitalisme-ne-rendra-pas-les-cles-gentiment
250 personnalités apportent leur soutien à l’occupation du siège de Black Rock
=> https://lundi.am/Nous-sommes-fier-e-s-de-cette-jeunesse