L’écriture, une énième Zone A Defendre

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À Ludovic Bablon, 
et toutes celles et ceux qui osent…

Nous sommes dans un délit d’imaginaires bifurqués
En infraction, pour cause d’idéaux contradictoires
Condamnés, pour pragmatisme révolutionnaire
Et verbiage subversif.

Nous vivons, en France, vers les années deux-mille vingt, un glissement radical de notre société vers un autoritarisme intellectuel. Nous sommes face à un embargo cérébral. En plus de n’avoir que très peu d’espace médiatique, la pensée contradictoire — qu’elle vienne des poètes ou des journalistes — subit depuis quelques temps une répression montante et inquiétante pour nos libertés.

« Ludovic Bablon, écrivain et poète (…) a été l’an dernier emprisonné pendant 5 mois pour une soi-disant “apologie du crime” dans des poèmes satiriques contre la police en réaction à leur violence et au propos de Luc Ferry demandant aux forces de l’ordre de faire usage de leur arme contre les Gilets Jaunes. (…) 

Qui plus est il a subi trois perquisitions au sein desquelles ses ordinateurs et ses clés USB comprenant son travail lui on été confisqués. »
Maison de la Grève – 2019
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« Trois Allemands de 18 à 22 ans, soupçonnés d’appartenir à la mouvance d’« ultra-gauche » et interpellés à trois jours du G7 de Biarritz, ont été condamnés à deux et trois mois de prison ferme, avec interdiction du territoire français. La fouille du véhicule a permis aux enquêteurs de trouver des documents « relatifs à l’extrême gauche », a détaillé le substitut du procureur de la République, Sébastien Baraldi. »
Ouest France – 2019
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« Un homme de 31 ans a été arrêté en Moselle, le 11 janvier 2019, en raison de propos tenus dans une vidéo publiée sur Facebook. « Dans ce message, cette personne appelle à l’insurrection », a expliqué Jean-Luc Jaeg, procureur de la République.
L’individu a été interpellé par une quinzaine de gendarmes de la brigade de recherches de Metz et à été placé en détention provisoire. »
RT France – 2019

La réalité a embrassé 84.
Le régime veut cadenasser les mots, amoindrir leurs sens, diminuer leur portée. Nous nous enfonçons dans le mono-chrome de la pensée unique. Les seuls conceptions du monde valides et entendables sont les slogans jetables utilisés par le commerce; eux qui fluctueront comme les modes ou la bourse. Ceux-là, oui, vous les entendrez et les verrez, à chaque heure du jour et de la nuit. Ils vous diront trois choses:
« votez / consommez / acceptez »



Mais encore, malgré tout, des voix résonnent, cherchent à s’extraire du gouffre, armées de mégaphones, de carnets, de pages numériques.
Nombre de littéraires, de révoltés, d’esprits libres, veulent — et voudront toujours — prendre d’assaut le château-fort qu’est le discours officiel pour le déconstruire pierre par pierre, et créer d’autres architectures de pensée. Des citadelles insoumises. 
Nous avons des bicoques maladroites et des ruelles tortueuses, mais cet univers est le nôtre; et il le restera ! Nous vous invitons, d’ailleurs, a y entrer et l’agrandir. Nous luttons pour ce partage. 
Nous avons l’utopie sous la plume et juste besoin d’un petit élan, de quelques mains solidaires pour qu’elle advienne. C’est pourquoi nos pages sont censurées.

« Winston se demanda de nouveau pour qui il écrivait son journal. 
Pour l’avenir ? Pour le passé ? Pour un âge qui pourrait n’être qu’imaginaire ? Il avait devant lui la perspective, non de la mort, mais de l’anéantissement. Son journal serait réduit en cendres et lui-même en vapeur. Seule, la Police de la Pensée lirait ce qu’il aurait écrit avant de l’effacer de l’existence et de la mémoire. Comment pourrait-on faire appel au futur alors que pas une trace, pas même un mot anonyme griffonné sur un bout de papier ne pouvait matériellement survivre ? »
Georges Orwell – 1984

Dans ce monde où aujourd’hui tout peut nous être arraché car les prix flambent, car le monde flambe, la seule chose qui reste réellement nôtre, ce sont nos espaces intérieurs. Nos insoumissions idéologiques et littéraires quand nous essayons de refaire des mondes par les mots et l’esprit. Voici peut-être nos vraies richesses. C’est toute cette matière qui ne s’enchaine pas dans des paires de menottes, qui s’imagine, qui flotte de bouche à oreille, se passe sous le manteau, dans les journaux de la presse libre ou à travers des liens numériques forcés d’être un peu clandestins.
C’est cet outil de traduction d’idées, cette poudre insurrectionnelle, cette dynamite qu’est la littérature quand elle est sauvage, indomptée et véhémente. 
C’est celle des cerveaux émancipés qui cherchent à en embrasser d’autres.
A en embraser d’autres.
Celle des pirates et des sorcières.
Celle des crieurs de rue et des poètes.
Celle qui fait peur au pouvoir,
Qui mène les foules à s’interroger,
A questionner la fleur et le fusil,
A prendre parti,
A vouloir tout renverser.

Ce sont ces souffles qui ensuite partent allumer des feux ailleurs. 
Nous ne sommes pas des pyromanes, nous sommes des indiens qui brûlent des parcelles pour fertiliser la forêt.

« Il est possible qu’on arrive à une ère où deux et deux font cinq quand le dirigeant le voudra. (…)
 La liberté, c’est la liberté de dire que deux et deux font quatre.»
Georges Orwell

Alors salut ! Salut et merci à toutes celles et ceux qui écrivent pour que deux et deux fassent toujours quatre. Merci de transmettre leur amour, et leur rage de voir le monde débarrassé de ces immondices que sont les états autoritaires, patriarcaux et policiers, ainsi que du capitalisme.
Après les avoir remercié, reste encore à les protéger, à les soutenir. A amplifier la culture de résistance. A faire valoir la pensée libre et insoumise en aidant à la diffusion des œuvres. Ainsi, multiplions les relais, les info-kiosques, les librairies autonomes ambulantes, les montages radio, les zones de liberté. Parlons vrai. 
L’écriture est un espace, qui est devenu une énième Zone A Défendre.
Car l’envie de changer le monde dépend de la connaissance que nous en avons, nous nous devons de partager nos idées pour les élargir. Donc, partager nos écrits, eux qui un jour, feront notre histoire.

Si écrire est devenu dangereux pour nous, c’est bien la preuve que l’écriture est dangereuse, pour eux.
Alors faisons couler l’encre,
Et tout
Ce qu’il faudra !

Nous allons gagner et avons déjà,
Cette rêverie
Pour nous.

« Les frontières de mon langage sont les frontières de mon monde »


Ludwig Wittgenstein

Chatterton_

P.S: Nouveau cas depuis l’écriture de cet article, c’est maintenant l’administrateur du média militant Bretagne Noire (mouvance anarchiste) qui à été condamné à 3 mois de prison avec sursis et 105 heures de TIG pour « incitation à la révolte ». L’administrateur dit qu’il ira « jusqu’au bout, j’ai toujours défendu la liberté d’expression ». (9/03/2020)
Entretien complet à lire sur Nantes Revoltée:
=> https://www.facebook.com/Nantes.Revoltee/posts/2808153295887492?__tn__=K-R

Image: Robert & Shauna Park Harrison

Fichier PDF:
Lecriture une énième Zone A Défendre

Liens:
Communiqué de presse des Reporters En Colère:
=> https://blogs.mediapart.fr/reporters-en-colere-collectif-rec/blog/251119/reporters-en-colere-contre-la-repression-et-la-precarite-collectif-rec

Page du REC:
=> https://www.facebook.com/RECCollectif/

En prison pour un poème, soirée en soutien à l’écrivain Ludovic Bablon:
=> https://www.facebook.com/events/507206519927416/
Lettre publique à ***, magistrat du Tribunal de Grande Instance de Dijon, de Ludovic Bablon:
=> https://blogs.mediapart.fr/ludovic-bablon/blog/190519/lettre-publique-magistrat-du-tribunal-de-grande-instance-de-dijon?fbclid=IwAR3wGtGQadjL2c8KKLtiErXVu5EawVFVjjG4LYIWux8fJ9Mh_DMOHXWEJq8




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